Cadre de santé formateur IFSI/IFAS, responsable pédagogique, Rédactrice en chef revue OSM
Nathalie Renou
Cadre de santé formateur IFSI/IFAS, responsable pédagogique, Rédactrice en chef revue OSM
Intervenante aux premières Rencontres Régionales des Aides-Soignants
Le texte législatif et réglementaire modifiant la formation et le métier d’aide-soignant a été publié au journal officiel en 2021. Ce nouveau programme est un réel enjeu pour la profession aide-soignante.
Pouvez-vous nous donner votre vision d’experte sur le sujet ?
Un enjeu, je ne sais pas mais une nécessité oui, à l’instar des autres formations paramédicales qui nous l’espérons devraient suivre. Il y a un réel changement de paradigme dans le système de santé d’aujourd’hui. Le développement de la recherche en sciences infirmières entraine avec lui les autres formations qui collaborent avec la profession IDE.
En ce qui concerne la formation aide-soignant, l’intérêt est bien de faire évoluer les compétences des professionnels en adéquation avec la réalité du terrain. Cette formation qui se déroule en 12 mois au lieu de 10 auparavant intègre une approche par compétences comme la formation infirmier et autorise un certain nombre d’actes supplémentaires, qui étaient parfois déjà effectués mais dans des conditions de « glissement de tâches » et donc de danger pour les agents. La construction de la formation se calque sur celle de la profession Infirmier, permettant d’imaginer d’éventuelles passerelles entre les 2 métiers.
Le Code de la Santé Publique valide un décret avec des responsabilités partagées. Il corrobore la notion de « soins courants de la vie quotidienne ». Responsabilité dévolue aux aides-soignants dans la limite de leurs compétences et partagée avec les infirmiers. Le groupe social aide-soignant reste sous la responsabilité de l’infirmière dans le cadre du rôle propre de cette dernière, en adéquation avec la qualification reçue du fait de sa formation.
Ce référentiel se concentre également sur l’aspect professionnalisation. Il répond ainsi à une demande forte des employeurs et des pouvoirs publics. C’est toujours une formation en alternance, mêlant savoirs théoriques et savoir cliniques, avec un référentiel de compétences et un référentiel d’activités qui a été développé et augmenté par rapport à la réalité de terrain.
Dans cette nouvelle formation, un focus est également fait sur la communication, l’interprofessionnalité, le raisonnement clinique, l’évaluation de la qualité et les responsabilités dans le domaine qui est le leur. Ainsi, de nombreux IFSI/IFAS ont fait le choix de travailler sur des apprentissages communs, ce qui existait auparavant mais qui est plus aisé à construire d’un point de vue ingénierie pédagogique.
Les mises en situations professionnelles en stage normatives, fortement décriées dans l’ancien référentiel font la place à des mises en situation professionnelles en stage formative, à l’initiative des tuteurs de stages et sont également pratiquées lors de séquences de simulation en santé.
Là encore, la pluriprofessionnalité peut être mise en avant lors des situations simulées. Enfin, l’enseignement hybride est autorisé pour l’enseignement théorique.
Les associations représentant les aides-soignants souhaitaient une autonomie complète dans le cadre des soins courants. Elles ne l’ont pas obtenue. Mais la notion d’interprofessionnalité et de responsabilité partagée sont des variables psychosociales importantes introduites dans ce nouveau référentiel. Chacun doit y trouver sa place.
Quelles sont selon vous les qualités de l’aide-soignant de demain ?
Les qualités sont les mêmes. Les valeurs soignantes perdurent avec un groupe social fort, sans doute un des plus forts des professions paramédicales. Et pourtant, ce groupe social se sent toujours dévalorisé, incompris au sens psychosocial du terme. Jacques Lecomte[1] explique que « Les croyances des individus en leur efficacité influent sur pratiquement toutes leurs activités : comment ils pensent, se motivent, ressentent et se comportent. »
Bien sûr, à titre individuel ou même dans certains établissements, services, le groupe Aide-soignant vit très bien par la reconnaissance de la qualité de son travail au sein de l’équipe pluridisciplinaire. C’est là toute la responsabilité du cadre de santé manager : fédérer son équipe pour la qualité des soins que l’on doit au patient.
Ce qui a changé ce sont les conditions de travail et la conception du sens au travail. Le Covid est passé par là. Les professionnels de santé ne se reconnaissent pas dans ce système de prise en soins des patients dichotomique. Faire plus avec moins. La rentabilité n’est pas un concept soignant. Prendre soin de l’autre demande du temps, de la professionnalisation et des compétences. Nos concitoyens ont le droit de retrouver un système de santé pérenne systémiquement parlant. Le soin relationnel est un soin à part entière par exemple.
Il y a 10 ans, notre système de santé était le meilleur du monde. Aujourd’hui, il est déclassé. Notre PIB est croissant mais notre système répond moins bien aux besoins de la population et aux besoins de ses soignants. Le Ségur n’a rien changé à la problématique. Les professionnels de santé paramédicaux aspirent à faire bien les missions qui leur sont dévolues mais dans le système actuel.
Donc les qualités attendues n’ont pas changé. C’est la société qui a changé. Ce sont les générations d’apprenants qui ont changé, les nouveaux professionnels n’aspirent plus à la même chose que leurs prédécesseurs. Bien sûr que l’empathie, la bienveillance, le respect de la singularité, la communication non violente, la réflexivité, l’analyse des pratiques, les savoirs, etc., toutes ces variables font le socle incontournable à posséder lorsque l’on est aide-soignant. Bien sûr cela s’apprend.
Mais les profils de candidats sont aujourd’hui très disparates avec des niveaux très différents, des conceptions de vie très différentes. Et surtout certains IFAS ne font pas le plein. Nous sommes là devant un sacré challenge. Le métier n’attire plus. Nous sommes parfois contraints de faire entrer des apprenants qui n’ont pas le niveau : ce qui peut compliquer grandement leur parcours de formation : tant sur le plan clinique que théorique et à fortiori la qualité de la prise en charge du patient.
Lors des rencontres vous animerez un atelier sur le thème de la réflexivité. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette technique et sa plus value dans la pratique des aides-soignants ?
A l’instar de la formation IDE, le nouveau référentiel instaure l’apprentissage du raisonnement clinique. Pour appréhender ce nouveau concept, il faut développer la réflexivité. Philippe Carré [1] explique que : « La formation, pour être effective, requiert un sujet partenaire proactif d’un contrat avec soi-même et/ou son contexte de travail et de vie ».
Ce qui nécessite pour le professionnel de santé d’acquérir un processus de pensées particulier. Et ce qu’il faut savoir c’est qu’une grande partie « de l’assimilation et de l’apprentissage dépendent de la motivation intrinsèque de l’apprenant »[2]. Tout le travail du formateur va se situer dans un accompagnement singulier pour développer cette compétence attendue.
Parce que ce processus de pensées va permettre au soignant de faire le meilleur choix pour proposer des interventions adaptées à la singularité du patient/résident.
Cela demande de construire des schèmes spécifiques, de faire de l’analyse de pratiques, de s’appuyer sur des savoirs scientifiques, etc…
Les aides-soignants, avec de l’expérience, possèdent intrinsèquement cette pratique, mais ne savent pas la mettre en avant. La réflexivité est donc une « activité intellectuelle et affective dans laquelle l’individu s’engage à explorer ses expériences dans le but de mieux les comprendre, réaliser des apprentissages afin de les transférer dans de nouvelles situations. »[3] C’est de cela qu’il s’agit dans cet atelier proposé. Le but est de gagner en efficience et en satisfaction.
[1] Carré, P, Fenouillet, F. (2011). Motivation et rapport à la formation. In : Carré, P, Traité des sciences et des techniques de la formation. Paris: Dunod. pp. 269-89.
[2] Charlot, B. (2006). La question du rapport au savoir : convergences et différences entre deux approches. Savoirs. 10 : 37-43.
[3] Schön D (1983). The reflective practitioner. San Francisco : Jossey-Bass.
Pourquoi participez-vous à ces premières rencontres régionales des aides-soignants ?
Je suis non seulement participante, mais également conceptrice de ces rencontres et je tiens à remercier les responsables pour leur confiance. En tant qu’ancienne coordonatrice adjointe d’un IFAS, formatrice dans un IFAS et accompagnatrice de professionnels en parcours VAE pour devenir aide-soignant, je suis directement impliquée dans l’accompagnement et la formation de cette population de professionnels, indispensable pour le bon fonctionnement de notre système de santé. C’est un groupe social dont je suis issue. C’est un groupe social indispensable.
A l’instar de tous les acteurs, ils souffrent des conditions de travail complexes, d’un système de santé exsangue. Le fait de se retrouver entre pairs lors d’une journée qui leur est dédiée, construite pour eux est également facteur de ressourcement, d’enrichissement personnel et collectif.
Les échanges lors de ces rencontres sont riches : que ce soit avec les intervenants très compétents dans leur domaine mais également avec les participants. Cela permet de redonner du sens, de se rassurer si besoin était, de voir que finalement, ce que je fais n’est pas si mal et surtout de renforcer des compétences par l’acquisition de savoir nouveaux.
C’est également une nécessité managériale pour les cadres de proximité.
Alors oui ! Il faut venir à ces premières rencontres régionales des aides-soignants de la région Bretagne. Nous vous accueillerons avec plaisir, pour travailler certes, pour se former bien sûr, pour rire car le bonheur au travail est indispensable mais également pour prendre soin de vous et surtout vous dire….. MERCI !
[1] Lecomte, J. (2004). Les applications du sentiment d’efficacité personnelle. Savoirs. Hors-série, Vol. 5 : 59-90.
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